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    J'ai maintenant un corps qui ne m'appartient plus. Je sens bien qu'il m'échappe, qu'il s'enfuit, s'enlaidit. Toi tu l'as connu beau et doux, avec un sexe glabre et de petits seins ronds, pommelés et gourmands, un ventre fin et des épaules et des cuisses fières d'être à toi. Il se fane, il s'épuise. La longue balaffre qui y serpente le rend laid, plus aimable du tout. Tout y est presque vide à l'intérieur et ce qui reste est cassé, bon à jeter, inutilisable.

    Toi tu savais en prendre soin, l'aimer, le dorloter. Il est resté à cette époque hélas révolue. Il est resté entre tes bras, tes jambes, tes caresses, tes baisers, tes murmures. Il est resté sous ton joug musclé et altier. Personne ne peut plus rien pour lui, ne peut le ressusciter, lui rendre vie, honneur et plaisir. C'est un corps mou et flasque, sans désir aucun, sans joie ni peine, juste un bout de chair à l'agonie. Il a tes souvenirs ancrés en lui et ça lui suffit.

    Il a tes larmes, tes sourires et tes mots. Il a tes mains, tes cheveux, tes chemins. Il a en lui ton amour comme un secret enfoui, endormi, endolori. Il est pénétré de ton âme et sa lumière, maintenant éteinte, ne brille que lorsque mes yeux s'embuent, émue aux larmes, de me remémorer ton corps épousant si joliment, si amoureusement le mien.

     

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